Contribution du Projet BAMiSA au traitement des Malnutritions Aigües Sévères |
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rev 12/05/2022 | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
L’APPB s’intéresse au traitement des MAS depuis que nous avons été sollicités par une association de solidarité internationale. Cette association(1) prend en charge depuis 2015, des enfants modérément malnutris (MAM) du quartier Wayalghin de Ouagadougou en utilisant les Bouillies Concentrées Liquéfiées (BCL) BAMiSA. Cette association n’avait pas de solution à proposer aux enfants sévèrement malnutris (MAS) qui se présentaient et qui n’avaient pas la possibilité d’être pris en charge par un Centre Nutritionnel Thérapeutique de référence. Cette association a souhaité, en accord avec l’équipe médicale du CSPS hébergeant les activités associatives, traiter les MAS qui se présentaient et ouvrir un Programme Urgence Malnutrition (PUM). Elle a sollicité l’APPB pour élaborer un protocole basé sur l’utilisation de BCL BAMiSA, sans recours aux Aliments Thérapeutiques (ATPE). Certaines publications montrent la faisabilité de modes alternatifs de prise en charge des MAS, à côté des ATPE (2)(3)(4). Cette démarche n’est donc pas isolée. Ainsi, en juillet 2018, un premier « Programme Urgence Malnutrition » (PUM) sur six mois a pu être mis en place. Les protocoles PUM se sont progressivement améliorés en associant, à partir du cycle 6, de l’huile de palme rouge (HPR) à la BCL. Les bons résultats des PUM successifs, en particulier à partir du cycle 6(5)(6) méritent que le protocole PUM soit partagé. 1. Les aliments utilisés par le protocole PUM1.1. Le protocole utilise uniquement des aliments de provenance locale : de la Bouillie Concentrée Liquéfiée (BCL) BAMiSA et de l’Huile de Palme Rouge (HPR).
Chaque ration se compose de 200 ml de BCL additionnée de 10 ml d’HPR. Leur valeur énergétique atteint 330 Kcal (dont 145 Kcal proviennent des matières grasses), apporte 9 g de protéines et couvre les besoins journaliers en vitamines A et E. « Il suffit de 5 à 10 ml/j d’HPR pour couvrir les besoins du jeune enfant [en rétinol] (8) ». Les protéines apportent 10,9 % de l’énergie et les matières grasses 44%, valeurs proches des recommandations OMS pour les ATPE (9). 1.2. Allaitement maternel Ce protocole encourage et favorise l’allaitement maternel. 1.3. Micro-nutriments La farine BAMiSA n’est pas une farine fortifiée. Du fait de sa concentration, la BCL apporte les micronutriments du Mil (ou du Maïs), du Soja, de l’Arachide en quantités non négligeables. Le sel iodé apporte de l’iode, l’huile de palme rouge apporte de la vitamine A et de la vitamine E. La consommation de fruits et de légumes verts et la diversification alimentaire sont encouragées dès que l’enfant est capable de manger. NB. Un apport complémentaire de minéraux et de vitamines est envisageable sous forme d’un sachet unitaire (Micronutrient Powders MNP)mélangé à l’une des BCL de la journée. Ce schéma pourrait être généralisé avec l’appui des Organismes ou ONG qui promeuvent ce type d’administration de compléments minéralo-vitaminiques. 1.4. Diversification alimentaire Ce protocole encourage la diversification alimentaire et la consommation du plat familial, dès que l’enfant a retrouvé suffisamment de force pour manger. La consommation de bouillies est une façon de commencer la diversification alimentaire. Il est demandé à la famille de prendre du temps pour encourager l’enfant et l’accompagner à consommer le repas familial. Ainsi la dégressivité du nombre de bouillies sera remplacée par l’augmentation des rations alimentaires préparées à la maison. Pour les plus grands, des bouillies préparées à la maison peuvent également être données en plus des bouillies BAMiSA, en demandant que ces bouillies soient préparées selon la recette ‘’un volume de farine pour 2 volumes d’eau’’ et liquéfiées par du malt ou du lait maternel si l’enfant n’est pas encore capable de consommer des bouillies épaisses. 1.5. Compatibilité du protocole PUM avec d’autres produits utilisés dans le cadre de la malnutrition. Afin de démontrer l’efficacité du protocole PUM, il a été demandé que les distributions d’ATPE (Plumpynut®) ne soient plus effectuées comme cela avait été fait, de façon aléatoire et imprévue, au cours des cinq premiers cycles. 2. Le Protocole PUMLe protocole couvre 6 mois, en 3 périodes.
La famille reçoit chaque semaine le nombre de sachets de farine nécessaire pour la semaine et tous les 15 jours l’huile pour 2 semaines. 2.1. La quantité de farine Elle est déterminée par le nombre de BCL données par jour. Chaque sachet de farine permet de préparer 8 bouillies (8 x 60 g). La farine est donnée tous les 8 jours, sous forme de sachets de 500g et d’un petit sachet de malt. Ainsi, chaque enfant consomme 28 kg de farine (56 sachets) au cours des 6 mois. 2.2. La quantité d’huile Elle est également déterminée par le nombre de bouillies. Une cuillère à soupe d’huile de palme rouge est ajoutée à chaque bouillie. A chaque sachet de farine de 500g est joint 80 ml d’HPR. Pour des raisons pratiques, l’huile est donnée tous les 15 jours. Ainsi
Ainsi, chaque enfant consomme 4 litres et demi d’HPR au cours des 6 mois,
Tableau 1 - Quantités de farine et d’huile nécessaires à chaque enfant. 2.3. L’allaitement maternel Les animatrices du PUM rappellent aux familles que la consommation de bouillies ne doit absolument pas remplacer l’allaitement maternel, mais le compléter. L’allaitement maternel est vivement encouragé quel que soit l’âge de l’enfant. Lorsque l’enfant sévèrement malnutri est âgé de moins de 6 mois et que sa mère a une lactation insuffisante en raison de sa propre dénutrition, la ration BCL – HPR est prise par la mère jusqu’aux six mois de l’enfant, de façon à respecter l’allaitement exclusif jusqu’à six mois. Cependant, si l’enfant ne récupère pas et que la lactation reste insuffisante, il est justifié de commencer les BCL pour l’enfant dès 4 mois. 3. EncadrementAprès avoir été intégrés au PUM, les enfants de moins de 5 ans et leurs familles sont suivis pendant 6 mois, en externe. Ils se rendent tous les 8 jours au CSPS pour être pesés et mesurés. Le PUM fonctionne un peu comme les CRENA (CREN Ambulatoires). Les membres de l’association Laabo Biiga Burkina encadrent bénévolement le PUM. Ils bénéficient de l’aide du personnel du CSPS 21 de Ouagadougou. L’association Laabo Biiga Burkina prend en charge la fabrication de la farine BAMiSA et du malt, l’approvisionnement en HPR, l’éducation des mères à la préparation des BCL, la signature de l’engagement parental (voir annexe), les rencontres tous les 8 jours, la distribution de la farine et de l’HPR, la tenue des fiches individuelles de suivi. Le CSPS 21 collabore activement au PUM lors du dépistage des enfants MAS et supervise les mesures anthropométriques tous les 8 jours. Le CSPS assure le dépistage des pathologies, la prescription des traitements médicaux nécessaires, le déparasitage et les vaccinations, au même titre qu’envers les enfants qui fréquentent ce CSPS. L’association Laabo Biiga France finance l’achat de la farine BAMiSA et de l’HPR, avec l’aide d’autres associations.(10) Le dépistage des enfants qui bénéficieront du PUM se fait dans un premier temps avec un bracelet de mesure du PB. Les enfants dans la zone rouge, c’est-à-dire en dessous de 11,5 cm, sont éligibles au PUM, quelque soit leur âge en dessous de 5 ans. La sélection des enfants se fait dans les jours ou semaines qui précèdent le début d’un cycle. Le maximum d’enfants par cycle est limité à 45. Les nom et prénom de l’enfant, sa date de naissance, son poids de naissance sont enregistrés sur une fiche individuelle. Sur cette fiche sont inscrits tous les 8 jours le PB, le poids et la taille et les éventuels évènements (fièvre,…). A la fin du cycle, les enfants continuent à être suivis. Les familles sont invitées à continuer les BCL en achetant de la farine BAMiSA. Pour les enfants qui n’ont pas suffisamment récupéré, la farine est vendue à prix subventionnée. 4. Outils d’analyse et ObjectifsEn fin de chaque cycle, les données anthropométriques sont analysées en fonction des courbes OMS Z-score «poids/âge, taille/âge et PB /âge »
Tableau 2 : Code couleur proposé en fonction du Z-Score et utilisé pour les tableaux récapitulatifs des analyses des cycles Pour évaluer l’efficacité du PUM nous proposons de prendre comme critère la prise de poids en grammes par kg et par jour, selon les données de la littérature. Lorsqu’il est utilisé de façon rigoureuse, ce critère est calculé régulièrement, par exemple tous les trois jours ou toutes les semaines, pour tenir compte de l’évolution du poids de référence. C’est le cas par exemple pour suivre la récupération nutritionnelle en phase initiale de renutrition. Nous ne sommes pas en capacité de réaliser rigoureusement ce calcul. Le poids de référence est donc dans cette analyse, le poids à J1. Cette simplification n’invalide pas complètement la méthode et permet d’évaluer l’efficacité du PUM de façon globale. Dans le tableau ci-dessous, c’est donc la 3ème colonne qui définit l’objectif des PUM.
Tableau 3 : Objectifs de prise de poids par kg et par jour en fonction de l’âge et du statut nutritionnel. Plus simplement, on peut retenir les objectifs suivants dans le traitement des MAS :
5. Coût, financementLa mise en œuvre d’un cycle PUM est simple. Une évaluation de son coût, comparé à celui d’une prise en charge par les ATPE est difficile, en particulier du fait de la pseudo gratuité des ATPE (voir annexe 2, Discussion). Un programme de type PUM est à la portée de petites structures, sous réserve de trouver le financement pour la farine et de l’huile. Si la farine n’est pas produite par la structure, elle peut être fournie par un Acteur Bamisa de proximité. Le coût d’un cycle pour 45 enfants est calculé ici sur la base des coûts de la farine et de l’huile du cycle 6 (1er semestre 2021), soit 650 F le sachet de 500g de farine et 1 250 F le litre d’HPR. Comme l’indique le tableau 1, il faut 56 sachets et 4,5 litres d’HPR par enfant pour le cycle. Pour 45 enfants, il faut donc :
La prise en charge nutritionnelle pendant 6 mois de 45 enfants sévèrement malnutris s’élève à 1 890 000 F (2 882 €).
Tableau 4 : Mode de calcul du coût de la prise en charge d’un enfant ANNEXE 1 : Engagement des parentsUne relation de confiance est nécessaire pour que la farine et l’huile destinées à l’enfant soient consommées exclusivement par lui. Il est demandé à la personne qui s’occupe de l’enfant, parent ou responsable légal, de s’engager par sa signature, à respecter les règles du « Contrat d’engagement » ci-dessous. Cet engagement responsabilise les parents qui bénéficient de ce fait d’une éducation nutritionnelle et deviennent acteurs de la prise en charge de leur enfant. Association LAABO BIIGA / Programme Urgence Malnutrition Contrat d’engagement pour le cycle n° Début du cycle le : ./ ./ 20 Contrat – Fiche n° (Remplir un contrat par enfant) (Version du 12/ 11/ 2021)
ANNEXE 2.Discussion Il est difficile d’établir des comparaisons entre différents programmes de prise en charge d’enfants malnutris. Cependant, bien que chaque programme ait ses particularités, il est utile de donner quelques repères. « Traiter un enfant sévèrement malnutri coûte, en moyenne, 100 USD. Ce coût comprend : les ATPE, 42 USD; la logistique et les frais de douane, 8 USD; les coûts de fonctionnement du programme, 50 USD. Le coût des ATPE combine le coût des ingrédients et de la production. Les ingrédients représentent de 60 à 72 % des coûts totaux des ATPE, tandis que la production représente de 17 à 33 % de leur coût total ». (Source UNICEF) « Huit semaines de traitement coûtent 30 € ». « Pendant ces huit semaines, l'enfant est réhydraté, alimenté et soigné. Il reçoit des vitamines ainsi que huit repas chaque jour par petites doses fractionnées et des médicaments. A l'issue de cette période critique de soins d'urgence, l'enfant est presque sauvé : il reprend du poids, retrouve I’appétit... et même le sourire. » (Selon un document ACF) Traiter, sauver, guérir, éviter les rechutes sont des mots qui peuvent recouvrir des réalités différentes et des résultats différents dans le temps. Que fait-on vraiment avec 50 USD, 30 €, 64 € Au-delà du coût d’un traitement, le contexte économique des programmes de lutte contre la malnutrition doit être évoqué. En effet, les PUM bénéficient directement à l’économie agricole locale et aux ateliers de transformation. Il n’en est pas de même des ATPE qui bénéficient à l’économie agro-industrielle, en particulier à celle du Nord, même si certains pays du Sud fabriquent des ATPE. Ce fonctionnement interroge les politiques de développement, interroge l’aide internationale, interroge les organismes et ONG dans leur engagement à soutenir ou non l’autonomie et le développement des populations. Au-delà de l’efficacité d’un traitement, est-il plus réaliste de prévenir et de traiter la malnutrition avec des ASPE et des ATPE que de les traiter selon des protocoles utilisant des produits locaux Et en matière de santé publique, est-il réaliste d’inscrire tous les enfants malnutris dans des programmes faisant appel à des aliments de l’agro-industrie plutôt que de développer l’éducation nutritionnelle ?
Pour conclure, citons Ted Greiner (9) : « Jusqu’à présent, les preuves scientifiques en faveur des Aliments de Supplémentation Prêts à l’Emploi (ASPE – RUSF en anglais), comme en faveur des Aliments Thérapeutiques Prêts à l’emploi (ATPE, RUTF en anglais), sont faibles. Il est donc difficile de ne pas conclure que des conflits d’intérêts existent dans la mise en place des agendas politiques et économiques. IBFAN (International Baby-food Action Network) est préoccupé par le fait que ‘’La prévention et le traitement de la malnutrition sont de plus en plus médicalisés par l’utilisation d’aliments commerciaux enrichis comme ‘’ solutions rapides ‘’, ignorant les approches communautaires et les facteurs de causalité sous-jacents et fondamentaux ‘’, et souligne que ‘’ pendant ce temps, l’allaitement maternel et l’alimentation complémentaire adéquate continuent de recevoir peu de financement et d’attention, malgré le grand nombre de recherches qui démontrent qu’il s’agit, de loin, de l’intervention la plus efficace et la plus durable pour avoir un impact positif sur la santé et la survie des enfant.’’ » Les résultats et les analyses des cycles Programme Urgences Malnutrition sont accessibles sur https://bamisagora.org/09a-Le_Projet_BAMiSA_au_fil_des_jours.html ou sur demande à f.laurent76@free.fr Bibliographie
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