L'ALLAITEMENT MATERNEL

bamisa

06b

Version du 03/03/2020

L'allaitement maternel tient une place centrale dans l'alimentation infantile. C’est pourquoi ce document traite de l'allaitement maternel en général et de ses particularités liées au contexte des pays en développement. Il ne s’agit pas ici de se substituer aux associations spécialisées sur l'allaitement maternel qui ont un réseau mondial d’action (telles que IBFAN Réseau International d’Action pour l’Alimentation Infantile et La Leche League Internationale) (1), mais de rappeler quelques grands principes s’appuyant sur la physiologie, permettant à l'allaitement maternel d’assurer aux jeunes enfants une croissance optimale et de les mettre à l’abri des pathologies les plus fréquentes.
Les programmes très intéressants de l’OMS et de l’UNICEF dans le domaine de l’allaitement maternel sont cités.

Ce document aborde :
Les connaissances minimales relatives à l’allaitement maternel.
Les recommandations internationales en faveur de l’allaitement maternel (Initiative Hôpital Ami des Bébés et Code international de commercialisation des substituts du lait maternel).
Les techniques et méthodes utiles pour l’allaitement (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée, et Méthode Mère Kangourou).

Connaissances minimales relatives à
l’allaitement maternel

En 1989, l’OMS/UNICEF énonçaient, dans le manuel "Savoir pour Sauver" (2),
les « RÈGLES D'OR DE L'ALLAITEMENT MATERNEL ». Ces 5 règles restent d’actualités.

"Le lait maternel est à lui seul la meilleure nourriture et la meilleure boisson pour un bébé durant les six premiers mois de sa vie.

  • L'enfant devrait être mis au sein aussi tôt que possible après la naissance. En principe, chaque mère peut allaiter son bébé.
  • Pour que la mère ait du lait en quantité suffisante, le bébé doit téter souvent.
  • L'allaitement artificiel peut provoquer des maladies graves et même entraîner la mort.
  • La mère devrait allaiter son enfant pendant bien plus d'un an et même au-delà de l'âge de deux ans si possible."

 

L’allaitement maternel a une incidence déterminante sur la santé de l’enfant :

L’allaitement exclusif des 6 premiers mois assure une nutrition optimale et une protection immunitaire indispensable au nourrisson.
Si l’allaitement n’est pas exclusif, le risque de mortalité par diarrhée et pneumonie est deux fois plus important que pour l’enfant allaité exclusivement (²).

Et si le nourrisson n’est pas allaité, le risque de mortalité par diarrhée est  multiplié par 7 et le risque de mortalité par pneumonie est multiplié par 5 (²).

Après l'âge d'un an, le lait maternel apporte encore au nourrisson la moitié de ses besoins énergétiques et protéiques, et la majorité de ses besoins en calcium.
Il garde son rôle de protection contre les infections (La transferrine, les IgA et le lysozyme continuent d’augmenter pour atteindre leur maximum au 15éme mois d’allaitement).

L’allaitement au sein précoce, exclusif et prolongé, est le meilleur moyen d’améliorer le taux de survie de tous les nourrissons. Il pourrait sauver 1,3 million de nourrissons chaque année (13% des décès d’enfants de moins de 5 ans), si 90% des nourrissons étaient exclusivement allaités. (2)

1. LA PHYSIOLOGIE DE L'ALLAITEMENT

Pour que l'allaitement soit adéquat, les professionnels de santé et la famille doivent respecter la physiologie du couple mère-enfant et favoriser :

  • L'aptitude biologique de l'organisme maternel pour la lactation
    • -  Dès l’accouchement, le cerveau de la mère sécrète, de façon réflexe, les hormones essentielles pour la fabrication et l’éjection du lait (prolactine et ocytocine hypophysaires).
    • - La bonne condition psychique de la mère facilite le déroulement de ces réflexes hormonaux (détente et confiance en soi, entourage favorable....)
    • - Le sein est une glande qui fabrique le lait en fonction de la prise de lait par l’enfant. Plus le sein est vidé souvent et complètement, plus il fabrique de lait.
  • L'aptitude vitale de l'enfant à téter
    • - Le bébé joue un rôle actif par le contact et les mouvements de sa bouche sur le sein. L'importance de la sécrétion et de l'éjection du lait dépendent essentiellement de la fréquence, de la durée et de l'efficacité des tétées, c'est à dire que le bébé doit téter souvent y compris la nuit et efficacement pour bien stimuler la lactation.

Plus l’enfant tète, plus le lait est abondant.

2. LE LAIT MATERNEL(3)

Le lait maternel contient les nutriments et les micronutriments adaptés à la croissance cérébrale et somatique du petit de l'homme. Il contient aussi des milliers d'éléments très spécifiques (enzymes de digestion, protéines transporteuses, anticorps, globules blancs, micronutriments...). C’est un aliment inimitable.

  • Le colostrum ou lait des premiers jours, est un concentré d'anticorps assurant la meilleure protection contre les infections du nouveau-né. Il est aussi dix fois plus riche en globules blancs que le sang.
  • Le lait maternel est un liquide vivant. Les globules blancs qu'il contient (lymphocytes, macrophages...) produisent des anticorps et s'opposent aux infections (bactéries, virus, parasites...), que la mère rencontre. La mère protège donc son bébé allaité contre ces infections.
  • La composition du lait maternel est variable au cours de la tétée, au cours de la journée et s’adapte aux besoins de l’enfant (si il a libre accès au sein, l’enfant n’a pas besoin de boire de l’eau, même lors des grandes chaleurs).
  • Sa quantité s'adapte aussi aux besoins de l'enfant : Elle est suffisante les 6 premiers mois de l’enfant, à condition que la mère et l’entourage laissent l'enfant téter aussi souvent qu'il le veut.
  • Le lait maternel est riche en acides gras insaturés, indispensable au développement du cerveau.
  • Un allaitement maternel protège l’ensemble du tube digestif des ‘’agressions’’ provoquées par une alimentation autre. 

 

 

lait maternel

colostrum

  Valeur calorique

72 Kcal

67 Kcal

  Protéines

1,1g

plus élevé, très riche en anticorps (IgA)

  Lipides

3,8g

moins gras mais très riche en vitamines A, E et K

  Glucides

7g

moins de lactose

  Minéraux

 

plus riche, en particulier Na, Zinc

Composition comparative du colostrum et du lait maternel, pour 100 ml

 

3. LES BÉNÉFICES DE L'ALLAITEMENT MATERNEL

Outre les qualités nutritionnelles irremplaçables du lait maternel et ses effets anti-infectieux pour l'enfant, l'allaitement maternel a de très nombreux autres bénéfices pour l’enfant, pour la mère, pour la famille et pour la société.

  • En matière de Santé Publique, une prévalence élevée d’allaitement maternel exclusif et prolongé est corrélée avec une faible prévalence de morbi-mortalité (effet significatif même dans les pays industrialisés). A long terme, les bénéfices sur la santé des enfants ayant été allaités sont également attestés.
  • Pour la mère, les tétées sont efficaces sur la rétraction utérine (ocytocine) et limitent les hémorragies du post-partum. A long terme, les bénéfices sur la santé des mères ayant allaité sont également attestés.
  • L'espacement des naissances est corrélé un avec un allaitement prolongé, sous certaines conditions définies par la MAMA (4). (Voir techniques et méthodes)
  • L'équilibre psycho-affectif de la mère et de l’enfant est optimal. Entre une mère et son enfant, il passe beaucoup plus que de la simple nourriture ! Il y a le bien-être physique de l'enfant, le plaisir de la mère, et la constitution d'une relation forte mère-enfant, attachement ineffaçable.
  • L'équilibre économique de la famille est plus facile. Le coût du lait artificiel, du combustible, des dépenses de santé majorées et d'une contraception précoce en cas d'alimentation artificielle, est énorme, souvent incompatible avec le budget familial.
  • Enfin les dons ou l'achat de lait constituent une dépendance ou une perte de devises pour l'économie nationale.

4. LA MISE EN ROUTE ET LE SUIVI DE L'ALLAITEMENT MATERNEL.

4.1. La mise en œuvre dans les maternités des 10 conditions OMS/UNICEF (5) permet de bien commencer et de bien poursuivre l'allaitement maternel :

  1. Adopter une politique d’allaitement maternel formulée par écrit et systématiquement portée à la connaissance de tous les personnels soignants.
  2. Donner à tous les personnels soignants les compétences nécessaires pour mettre en œuvre cette politique.
  3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l’allaitement maternel et de sa pratique.
  4. Installer le nouveau-né en peau à peau avec sa mère immédiatement après la naissance et pendant au moins 1 heure. Encourager la mère à l’allaiter quand le bébé montre qu’il est prêt.
  5. Indiquer aux mères comment pratiquer l'allaitement au sein et comment entretenir la lactation, même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson.
  6. Ne donner aux nouveaux-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel (ni eau sucrée, ni lait artificiel, jamais de biberon de complément), sauf indication médicale.
  7. Laisser l’enfant avec sa mère 24 heures par jour. (Si l'enfant est malade, laisser venir la mère dans le service d'hospitalisation; si la mère a eu une césarienne maintenir son enfant près d'elle et l’aider).
  8. Encourager l'allaitement au sein à la demande de l'enfant.
  9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette.
  10. Encourager la constitution d'associations de soutien à l'allaitement maternel et leur adresser les mères dès leur sortie de l'hôpital ou de la clinique.

Les 10 conditions OMS/UNICEF pour
la Protection, l’Encouragement et le Soutien de l'allaitement maternel  (5)

La mise en place de ces 10 conditions, associée au respect du Code OMS permet aux équipes de maternité (et de néonatalogie dans certains pays comme la France), d’obtenir le label OMS/UNICEF Ami des Bébés. Ce label garantit des pratiques de qualité pour tous les nouveau-nés, et leurs parents.
Voir en fin de document la rubrique des recommandations internationales.

4.2. Les agents de santé veilleront particulièrement dans les premiers jours et premières semaines, aux points de vigilance suivants :

  • Veiller à ce que l’enfant et la mère soient bien installés pour les tétées

De multiples installations sont possibles en fonction de la situation au moment où la mère allaite. Voici quelques indications de confort pour la mère :

  • - Si la mère est allongée sur le côté avec les genoux repliés et le bras inférieur sous sa tête, le bébé peut téter allongé sur le côté lui aussi, face à sa mère. Cette installation est adaptée pour les tétées de nuit pendant le sommeil de la mère. (6)
  • - L’installation assise avec les pieds au même niveau que son bassin, un peu inclinée en arrière avec un dossier, est très confortable pour la mère. Si elle a un appui pour sa tête, elle peut s’endormir pendant la tétée et se reposer un peu. C’est aussi l’installation la plus adaptée au nouveau-né : Le nouveau-né est performant à plat ventre, il est capable de s’appuyer sur ses pieds, de ramper sur le torse de sa mère, de se diriger vers le sein grâce à son odorat, de redresser la tête, d’ouvrir grand la bouche et de prendre le sein seul.
  • - La position penchée en avant  permet à la mère, assise sur un tabouret bas, de poser l’enfant à plat dos sur ses genoux et de l’allaiter pendant qu’elle-même travaille devant elle.

Pour qu’une tétée soit confortable pour le nouveau-né quelle que soit son installation, et donc efficace pour obtenir du lait, il faut que :

  • - la tête et le corps du bébé soient dans le même axe,
  • - la tête du bébé soit face au sein.
  • - le bébé ait un appui sous les pieds.
  • - il soit bien placé pour prendre le sein : Sa lèvre supérieure (ou même son nez) est face au mamelon. Quand il ouvre grand la bouche, la mère le rapproche du sein pour qu’il prenne un maximum d'aréole du côté de son menton (ou il le prend seul si il est à plat ventre sur sa mère).
  • - et que la mère soit détendue.

Une prise du sein inadaptée entraîne une baisse de la lactation (par insuffisance de vidange du sein), des problèmes de mamelons (crevasses par étirement) et des engorgements. Le bébé étant moins efficace, il reçoit moins de lait.

  • Evaluer l’efficacité des tétées des premiers jours

Les premiers jours, c’est le colostrum qui est produit, en petite quantité. Le bon aspect du nouveau-né (se réveillant facilement et cherchant à téter) et l’élimination du méconium (selles collantes vert foncé) attestent de l’efficacité des tétées.
Dès la montée de lait, l’efficacité des tétées est jugée sur la quantité d’urines par 24 heures (ou sur le nombre de couches ‘’lourdes’’ par 24h). L’objectif est de 6 bonnes émissions d’urines claires (ou 6 couches bien mouillées à changer).

  • Observer la fréquence des tétées

L'allaitement à la demande de l'enfant (dès qu’il cherche le sein) permet d'ajuster au mieux la production de lait selon les besoins de l’enfant. Pour réussir l’allaitement à la demande, il est indispensable que le nouveau-né soit maintenu en proximité immédiate de sa mère. Si l’enfant dort beaucoup (prématurité, souffrance néo-natale...), il est indispensable que la mère sache exprimer du lait manuellement (voir encadré à la fin) pour aider son enfant à se nourrir plus souvent ou pour vider un sein trop tendu.

  • Ne pas nuire à l'allaitement maternel, c’est à dire

Rester à l'écoute de la mère, sans intervenir si tout se passe bien.

Poursuivre l’allaitement en cas de traitement médicamenteux pour la mère (choisir un médicament compatible avec l'allaitement).
   Respecter les coutumes locales si elles sont neutres ou bénéfiques (tisanes galactogènes pour les mères...), et au contraire essayer de les faire évoluer si elles sont nuisibles (rejet du colostrum, "gavages" de tisanes ou de bouillies, lavements...).

Savoir conseiller la mère, de façon à ce qu'elle enrichisse et varie son alimentation. Il est exceptionnellement nécessaire de donner du fer ou des vitamines à l'enfant (Vitamine D exceptée, pour les enfants très peu exposés à la lumière), le lait maternel seul suffit jusqu'à l'âge de 6 mois.

5. ALLAITEMENT EN SITUATIONS PARTICULIERES

 5.1. Nouveau-nés prématurés et/ou de petit poids

Pour tous les enfants prématurés, le contact peau à peau 24h/24 évite le refroidissement de l’enfant, stimule toutes ses fonctions vitales et lui permet un accès permanent au sein. Il permet à la mère d’exprimer son lait dans la bouche de l’enfant (en goutte à goutte) dès qu’il bouge un peu dans son sommeil (toutes les 1 à 2 h). L'allaitement exclusif au sein s'établit beaucoup plus rapidement de cette manière. La Méthode Mère Kangourou (7) met en pratique ces principes. Cette méthode évite le recours systématique aux incubateurs (couveuses), avec des résultats équivalents pour la santé des enfants. Le document de l’OMS (7) décrit très bien la méthode, et des associations peuvent former les professionnels de santé à utiliser cette méthode. (voir techniques et méthodes)

Pour les enfants nés très prématurés (avant 32 Semaines d’aménorrhée ou 7 mois de grossesse), le recours à des soins plus spécialisés et l’alimentation par sonde gastrique (avec du lait maternel exprimé par la mère) seront très souvent nécessaires. Le contact peau à peau le plus permanent possible leur sera toujours plus bénéfique qu’un incubateur. (7)

Pour les enfants qui ne parviennent pas à téter assez efficacement le sein, l'alimentation au gobelet de lait exprimé par la mère (voir techniques et méthodes), permet de leur donner un complément de lait de leur mère après ou entre les tétées.

5.2. Nourrissons malades et/ou malnutris

Malgré des besoins métaboliques augmentés, l'enfant malade s'alimente difficilement, mais plus volontiers au sein qu'avec tout autre aliment. La poursuite ou la reprise de l'allaitement exclusif permet un apport alimentaire qualitatif et quantitatif essentiel à sa guérison même au cours de sa deuxième année. L’allaitement maternel est le premier traitement d’un enfant malade, il devrait être prioritaire pour la famille. Si l’allaitement avait été interrompu, il peut être repris en proposant souvent le sein à l’enfant avec la technique de la tétée supplémentée (voir encadré à la fin). Il s’agit d’alimenter l’enfant par la sonde en même temps qu’il tète le sein, ce qui fait revenir la lactation (ou relactation).

En cas de diarrhée du nourrisson (et/ou de sa mère), l'allaitement maternel doit être poursuivi en augmentant la fréquence des tétées. On ne complétera l'allaitement par une Solution de Réhydratation Orale que si la diarrhée est brutale et très abondante, ou si elle s’accompagne d’une fièvre. La réhydratation au sein (tétées des 2 seins dès que l’enfant cherche et lait maternel exprimé dans sa bouche) est plus performante qu'avec les Solutions de Réhydratation Orale seules.

Si une malnutrition est détectée chez l’enfant (périmètre brachial, poids…), la prise en charge doit être immédiate. Avant 4 mois, il est extrêmement dangereux de donner autre chose à l'enfant que du lait maternel. Si l'enfant grossit très peu, il est possible, à partir de l'âge de 3 mois, de lui donner 1/2 c à café d'huile juste après les tétées (car les lipases du lait maternel l’aideront à digérer l’huile). Dès 4 mois, il est conseillé de donner après une tétée une bouillie concentrée liquéfiée type Bamisa (ou 2 ou 3 petites bouillies toujours données après les tétées). (voir Document 06e ‘’Les Bouillies Concentrées Liquéfiées (BCL) en prévention de la malnutrition’’)

5.3. « Pas assez de lait »
           
La mère peut perdre confiance en sa capacité à allaiter, surtout si elle est isolée de sa famille. La pression de la "Société moderne" peu aussi induire cette perte de confiance. La mère "ne sait plus allaiter", elle n'ose plus allaiter en public, elle est "stressée" et elle pense qu’elle n’a "pas assez de lait". Devant ce "manque de lait", réel ou imaginaire, il y a lieu d’analyser la situation.

Si l'enfant grossit bien et/ou urine beaucoup, rassurer la mère et l’entourage.

Si l'enfant grossit peu et urine peu, cela atteste le manque de lait. Il faut alors chercher pourquoi l’enfant ne reçoit pas assez de lait :

  • vérifier et expliquer la bonne installation de l'enfant au sein de façon à ce qu’il tète efficacement,
  • supprimer l'emploi de compléments inadaptés (tisanes, bouillies... parfois biberons ou tétines dont l'usage peut être caché), et ne pas donner d'autre boisson ou aliment à l'enfant,
  • demander à la mère de le laisser téter aussi souvent et longtemps que possible, nuit et jour, en changeant souvent de sein pendant la tétée,
  • mettre la mère au repos complet quelques jours avec son enfant, et lui demander de donner la tétée à chaque fois que l’enfant se réveille,
  • améliorer l’alimentation de la mère avec des aliments riches ou avec des bouillies concentrées,
  • vérifier qu’elle ne prend pas de traitement inhibant la lactation (par exemple pilule contraceptive), et conseiller des préservatifs ou autre moyen,
  • évaluer le soutien qu’elle reçoit pour allaiter. L’écouter et la réconforter. Lui donner confiance en ses capacités à nourrir son enfant, et si possible l'introduire dans un groupe de mères allaitantes.

Quelques rares pathologies médicales peuvent expliquer un manque de lait.
Pour les femmes de milieu socio-culturel élevé, le "pas assez de lait" n'est souvent qu'un prétexte pour mettre en route l'alimentation au biberon, signe de "modernité". D’autre part, certains enfants exigent beaucoup d'attentions et de temps (tétées et portage), ce qui est difficilement accepté dans certains milieux.
L’alimentation au biberon (et au lait artificiel) n’est pas un symbole de progrès médical ou social puisqu’elle augmente beaucoup le risque de mortalité infantile.(2)

5.4. Dénutrition de la mère
           
L’allaitement nécessite environ 650 Kcal de plus qu’un régime habituel, que l’organisme maternel trouve dans les réserves constituées pendant la grossesse.
Si l’organisme maternel n'a pas de réserve, l’alimentation de la mère devra lui apporter 500 à 600 Kcal supplémentaires par jour pour la production de lait (Par exemple 1 kg de farine Bamisa par semaine).
En cas de dénutrition débutante ou modérée de la mère, il faut trouver des compléments nutritifs pour la mère plutôt que pour l'enfant. Même en situation alimentaire difficile, la mère produit du lait adapté aux besoins de son nourrisson. L'organisme maternel épuisera ses ultimes réserves pour produire du lait.
Une dénutrition très importante de la mère finit par faire baisser la quantité de lait et en modifier sa composition: Le taux de graisses saturées diminue, mais celui du lactose et des acides gras insaturés reste stable, ce qui préserve longtemps le développement normal du cerveau de l’enfant.

5.5. Maladie de la mère
           
En cas de maladie aigue de la mère, l'allaitement maternel peut presque toujours être poursuivi. Si la mère a une maladie infectieuse (diarrhée, pneumonie, typhoïde…), le lait maternel apporte à l'enfant des anticorps qui le protègent de la maladie qui le menace. Il est important que la mère se lave souvent les mains et qu’elle puisse se reposer. Elle a besoin d’aide et de soutien pour elle et son enfant.
           
En cas de maladie chronique infectieuse, comparer le risque de contamination avec le risque de mortalité élevé, lié à l'alimentation artificielle. Chaque pays a ses règles de conduite en ce qui concerne la tuberculose et le SIDA (voir Document 06c ‘’L’allaitement du nourrisson dans le contexte du VIH’’).

Les contre-indications à l'allaitement maternel sont exceptionnelles.

6. COMPLEMENTS A L’ALLAITEMENT AVANT L’AGE DE 6 MOIS

Les compléments sont des aliments lactés ou non lactés, liquides ou plus ou moins solides, donnés en plus du lait maternel. Pour l’utilisation des compléments, voir Document 06d ‘’L’alimentation lactée de remplacement’’.
Il faut mettre en garde les mères mais aussi les pères sur les dangers de donner des compléments à leur enfant avant l’âge de 6 mois.
En effet, l'introduction prématurée d'aliments ou de boissons (y compris l’eau) autres que le lait maternel a des répercussions sur l’allaitement, et des effets néfastes sur la mère et sur l’enfant.

Les compléments donnés avant 6 mois entrainent :

  • La baisse de la lactation en diminuant la fréquence et la durée des tétées.
  • La baisse de la confiance de la mère en elle-même.
  • L’arrêt plus précoce, et pas forcément voulu, de l'allaitement maternel
  • L’absorption moindre des micro-nutriments du lait maternel, fer notamment.
  • La fragilisation de la muqueuse intestinale et modification de la flore intestinale (Facilitation du passage du VIH et d’autres agents pathogènes…).
  • Des infections apportées par l’aliment ou par l’eau utilisée (gastro-entérites…).
  • Des risques de malnutrition de l’enfant car les compléments sont de moins bonne qualité nutritionnelle que le lait maternel, sont souvent de faible densité énergétique et/ou sont donnés en quantité insuffisante.

 

7. TRAVAIL ET POURSUITE DE L'ALLAITEMENT

Il est possible de poursuivre un allaitement exclusif en étant séparée de son enfant plusieurs heures par jour. Il faut alors tirer son lait (à la main ou avec un tire-lait) (voir Techniques et méthodes) et le laisser à la gardienne de l'enfant qui le donnera à la tasse.

L'idéal est de pouvoir garder son enfant près de soi les 6 premiers mois (congés, gardiennage proche du lieu de travail...), pour allaiter à la demande. A partir de 6 mois, l’enfant peut recevoir des bouillies et d'autres aliments, et un peu de lait maternel, tiré le matin, pendant l'absence de sa mère. La nuit et les jours de congé, l'allaitement à la demande reprend sans difficulté. La mère a intérêt à continuer d’allaiter la nuit, tout en veillant aux conditions de sécurité de partage du lit.(6)

Chaque pays adopte une législation plus ou moins favorable aux mères qui allaitent et qui reprennent le travail. L’Organisation Internationale du Travail propose des mesures minimales. (8)

  • - 14 semaines de congé maternité, avec prolongation possible
  • - indemnités de maternité au moins égales à 66% de la rémunération antérieure
  • - 2 pauses d'allaitement d'une demi-heure par jour après la reprise du travail
  • - interdiction de licenciement pendant le congé maternité

Mesures en faveur de l’allaitement de l’OIT

Recommandations internationales
en faveur de l’allaitement maternel.

 

INITIATIVE OMS/UNICEF POUR DES HOPITAUX AMI DES BEBES (IHAB) ET LABEL AMI DES BEBES (9)

L’équipe de Maternité qui respecte les « dix conditions » OMS/UNICEF (5) et le code OMS de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel (10) peut demander et obtenir le label Ami des Bébés.  

Proposé au niveau international en 1991, ce programme a été développé d’abord en Suède et dans les pays en développement sous l’impulsion des bureaux de l’UNICEF et d’IBFAN. Depuis 2000, presque tous les pays industrialisés le mettent en place car son efficacité sur la prévalence de l’allaitement maternel est prouvée.  

Au-delà de l’information, le soutien et la protection de l’allaitement, il s’agit pour les équipes de maternité et de néonatalogie de :

  • Organiser les soins autour des rythmes biologiques du nouveau-né et de la mère.
  • Répondre aux besoins de l’enfant et de sa famille tout en assurant la sécurité médicale.
  • Apporter un soutien aux parents pour leur permettre d’acquérir progressivement leur autonomie...

Le label « Ami des Bébés » garantit des pratiques professionnelles cohérentes, et amène un état d’esprit favorable à l’allaitement et à la relation mère-bébé, respectueux des décisions de chaque mère. Il garantit la qualité d'accueil du nouveau-né et de ses parents établissant la confiance entre parents et soignants.

CODE INTERNATIONAL DE COMMERCIALISATION DES SUBSTITUTS DU LAIT MATERNEL (OMS 1981) ET LES RESOLUTIONS DE L’AMS (10)
           
L’application du code OMS contribue à créer un environnement sain, favorable à l’allaitement maternel mais respectueux des mères qui n’allaitent pas, sans pression commerciale sur les familles et les professionnels.

La mise en œuvre et le respect du Code OMS repose sur les agents de santé :

  • Il leur recommande de faire la promotion de l’allaitement maternel auprès de toutes les femmes enceintes (et les familles) en les informant de ses bienfaits sur la santé et de sa pratique optimale.
  • Il leur recommande d’informer tous les parents de manière factuelle, quelle que soient leurs décisions pour l’alimentation de leur enfant.
  • Il leur recommande de ne faire aucune promotion pour les Substituts du Lait Maternel (SLM : laits et autres aliments et boissons, donnés au nourrisson jusqu’à l’âge de 2 ans, et biberons, tétines et sucettes).

Donner aux mères une boite de lait (et/ou un biberon) ou prescrire des compléments, laisse croire aux mères que ce lait est idéal pour leur enfant et qu'elles doivent l'utiliser, puisque cela vient d’un agent de Santé. Ces dons ou prescriptions transforment les agents de santé en agents publicitaires bénévoles pour le compte des industriels en nuisant gravement à la santé des enfants.

Le Code OMS propose des obligations et des interdictions à tous les acteurs de la société (du fabricant au distributeur et au vendeur ou prescripteur) :

  1. 1° Interdiction de la promotion au grand public.
  2. 2° Interdiction de donner des échantillons ou des SLM gratuits.
  3. 3° Interdiction de toute promotion dans le système de soins.
  4. 4° Interdiction d’utiliser du personnel payé par les fabricants pour donner des conseils aux mères.
  5. 5° Les informations fournies par les fabricants et les distributeurs aux agents de la santé doivent être scientifiques et se borner aux faits.
  6. 6° Interdiction de donner des cadeaux ou des échantillons aux agents de santé, et interdiction pour eux de les recevoir.
  7. 7° Tous les SLM doivent être de bonne qualité; la date limite doit être indiquée; des termes comme "humanisé" ou maternisé" ne sont pas admis.
  8. 8° Interdiction de proposer du lait condensé sucré, ou d'autres produits inappropriés comme aliments pour nourrissons.
  9. 9°  Chaque emballage ou étiquette doit clairement mentionner la supériorité de l'allaitement au sein et comporter une mise en garde contre les risques et le coût de l'alimentation artificielle.
  10. 10° Interdiction des images de nourrissons ou d’autres représentations graphiques de nature à idéaliser l’utilisation des préparations pour nourrisson sur l’étiquette des produits.

La mise en œuvre du Code OMS de « Commercialisation des Substituts du Lait Maternel » garantit donc l’information juste des parents, et elle contribue à protéger les familles contre la promotion commerciale pour les aliments infantiles.

Les gouvernements signataires se sont engagés à se servir du Code OMS comme "une exigence minimum" et à l'exécuter "dans son intégralité", soit en instituant des lois, soit en l'adoptant comme mesure volontaire.
Les fabricants se sont engagés à le respecter.

Le Code et certaines recommandations de l’Assemblée Mondiale de la Santé cherchent à protéger les professionnels de santé des conflits d’intérêts. Ils alertent sur les financements de « soi-disant » recherches, les dons de matériels… par les fabricants de SLM, ce qui crée un lien d’intérêt avec les agents de santé. Ces liens d’intérêt créent rapidement un conflit d’intérêt pour les agents de santé quel que soit leur niveau (du national au local) : Il empêche d’être centré en premier lieu sur le respect des besoins de l’enfant et l’information objective de sa famille.

Techniques et méthodes utiles pour l’allaitement

 

Technique de l’expression manuelle du lait

Se laver les mains. Demander à la mère de prendre son sein entre le pouce et les autres doigts au bord de l’aréole ou même un peu plus loin du mamelon.

Appuyer un peu vers l’arrière (pour saisir les premières glandes), presser fermement entre les doigts, puis relâcher la pression. Répéter le geste de manière rythmée tant que le lait coule.

Déplacer les doigts et faire le même geste de tous les côtés pour vider toutes les zones du sein. En cas d’engorgement, pour ne pas blesser les glandes, commencer par un massage plus doux en faisant glisser les doigts jusqu’à la base du mamelon. Un peu de graisse (beurre de karité, huile de palme…) peut aider.

Quand le sein est un peu assoupli, appuyer plus fort. La mère ne doit jamais se faire mal, car cela bloque l’éjection du lait et cela peut blesser les glandes.

Exprimé dans un récipient bien propre, le lait maternel est, soit donné tout de suite à l’enfant, soit recouvert et gardé à l’abri de l’air (6 à 8 heures à température ambiante).

 

Technique de l’alimentation à la tasse ou au gobelet.

Se laver les mains. Laver soigneusement une tasse, gobelet ou petit verre.
Installer l’enfant en position demie assise sur les genoux.

Maintenir sa nuque pour que sa tête soit un peu en arrière.

Approcher le bord du gobelet contre sa lèvre supérieure sans appuyer sur sa lèvre inférieure.

Incliner le gobelet pour que le lait arrive juste au bord et attendre.

L’enfant glisse sa langue sous le gobelet et « prend » le lait tout seul, à son rythme.

Surtout, ne pas verser mais maintenir la tasse immobile quand l’enfant se repose.
Laisser le bébé prendre son temps, c'est lui qui détermine le rythme de déglutition et la quantité qu'il peut absorber.

 

Technique de la tétée supplémentée
(ou de la sonde sur le sein ou sur le doigt).

Se laver soigneusement les mains.
Utiliser une sonde gastrique fine ou une sonde d’aspiration.
Plonger l’embout de la sonde dans le gobelet rempli de lait.
Introduire le bout de la sonde dans la bouche de l’enfant (au coin des lèvres) pendant qu’il tète le sein ou le doigt (1 à 2 phalanges de l’index de la mère).
Immédiatement après chaque utilisation, nettoyer la sonde avec une seringue remplie d’eau chaude savonneuse, rincer et faire bouillir.

 

Conservation du lait maternel (11)

Selon l’Academy of Breastfeeding Médicine (ABM 2017), le lait de mère se conserve :

  • - à température ambiante (plus de 25°), pendant 4 heures (8 heures pour le colostrum),
  • - à température ambiante (19 à 22°), pendant 6 à 8 heures,
  • - au réfrigérateur (5 à 10°), pendant 2 à 4 jours,
  • - au réfrigérateur (0 à 4°), pendant 5 à 8 jours
  • - au congélateur (-18°), pendant plus de 6 mois.

Le lait maternel est donné à température ambiante, une fois décongelé.
Le lait restant après un repas ne peut pas être gardé, soit il est bu par la mère, soit il doit être pasteurisé (chauffage Pretoria).

   Ces données sont valables pour un enfant en bonne santé, pour un usage domestique

 

La MAMA (4)

(Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée)

Statistiquement, l'allaitement maternel prolongé permet un intervalle de 2 à 3 ans entre les naissances. Les tétées nombreuses bloquent l'ovulation.

Pour la pratique, dans les six mois suivant l'accouchement, si l'enfant est exclusivement nourri au sein (avec des tétées jour et nuit, espacées au maximum de 6 h la nuit et de 4 h le jour), et si la mère n’a pas eu son retour de couches, le risque de grossesse est inférieur à 2%. L'introduction d'aliments de complément raccourcit la période d'aménorrhée si elle espace les tétées. Une autre contraception est alors nécessaire si l'on veut retarder une nouvelle grossesse.

 

La Méthode Mère Kangourou (7)

Elle associe plusieurs pratiques adaptées aux besoins d’un nouveau-né de petit poids : portage en peau à peau 24h sur 24, allaitement exclusif par des tétées très fréquentes (ou du lait de la mère exprimé dans la bouche du bébé), et un suivi médical régulier.

Le guide pratique de l’OMS ‘’La méthode mère kangourou’’ est très bien fait.

https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/9241590351/fr/

 

 

 

 

Bibliographie

  1. Réseau International d’Action pour l’Alimentation Infantile IBFAN.  https://www.ibfan.org/ en français sur https://www.gifa.org/
    La Leche League International. https://www.llli.org/  en français sur https://www.lllfrance.org/
  2. OMS/UNICEF/UNESCO 1989. Savoir pour Sauver: Les Règles d'Or de l'allaitement maternel, le défi de la communication.
  3. OMS 1987. Quantité et qualité du lait maternel. Rapport sur une étude collective de l’OMS.
    Et OMS 1989. Oligo-éléments, éléments mineurs et éléments en traces dans le lait maternel. Rapport d’une étude collective OMS/AIEA.
  4. MAMA (Méthode de l’Allaitement Maternel et de l’Aménorrhée) décrite dans OMS 2018. Espacement des naissances et choix en matière de méthodes de planification familiale du post-partum. Outil de counselling.
  5. OMS/UNICEF 1989. Déclaration conjointe, Protection, encouragement et soutien de l'allaitement maternel. Le rôle spécial des services liés à la maternité.
  6. ABM 2017. Academy of Breastfeeding Medicine, Protocole n° 6, Breastfeeding and bedsharing. https://www.liebertpub.com/doi/10.1089/bfm.2019.29144.psb Traduit en français sur https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/textes-de-l-academy-of-breastfeeding-medicine/1023-6-recommandation-sur-le-sommeil-partage-et-lallaitement
  7. OMS 2004. La méthode mère kangourou. Guide pratique (60 pages). Téléchargeable sur https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/9241590351/fr/
    En France contact de Dr Marie-José Simon-Ghédiri, Présidente de Jérémi  Rhones Alpes
    The Cochrane 2011. Conde-Agudelo A, Belizan JM, Diaz-Rossello J. Kangaroo mother care to reduce morbidity and mortality in low birthweight infants (Review).
    WHO 2006. Optimal feeding for low-birth-weight infant. Technical review (131 pages).
    WHO 2012. Born too soon. The global action report on preterm birth.
  8. OIT : Organisation Internationale du Travail.  Conventions de protection de la maternité n° 3 (1919), et n° 103 (1952) et n° 183 (2000) et Recommandation no 191 (2000)
  9. WHO 2018. Protecting, promoting, and supporting breastfeeding in facilities providing maternity and newborn services: the revised Baby-friendly Hospital Initiative, Implementation guidance. WHO 2018. Acceptable medical reasons for use of breast-milk substitutes.
  10. OMS 1981. Code international de commercialisation des substituts du lait maternel.
    Et Résolutions des Assemblées Mondiales de la Santé s’y rapportant
    WHO 2016. Guidance on ending inappropriate promotion of foods for infants and young children
    WHO 2017. The international Code of marketing of breast-milk substitutes. Frequently asked questions.
  11. Breastfeeding Medicine) 2017. Conservation du lait humain destiné à un bébé né à terme et en bonne santé. Protocole n° 8

 

 

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