Cadre économique et légal
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document 01f - bamisagora.org |
21/01/2018 |
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La finalité du Projet BAMiSA est de lutter contre la malnutrition infantile. La mise à la disposition d'un aliment local, une bouillie de haute valeur protéino énergétique destinée en premier lieu aux enfants touchés par la malnutrition, est proposée aux familles et aux acteurs locaux impliqués dans la lutte contre la malnutrition. Cet aliment est utilisable plus largement. Le "Projet BAMiSA" s'efforce de répondre de façon pragmatique à des problématiques qui doivent être correctement posées, à savoir :
Ce document se propose d'examiner les aspects économiques qui caractérisent la production et la distribution de la farine BAMiSA et de les situer dans les contextes administratifs. A) Aspects économiquesLa Charte BAMiSA encadre les activités des UPA et des GFC de farine BAMiSA. La fabrication familiale de farine et de bouillie de type BAMiSA n'est pas contrainte par la Charte puisqu'elle relève du domaine des bonnes pratiques nutritionnelles. Les cinq premiers articles de la Charte engagent les GFC et les UPA.
Les associations qui signent cette charte deviennent acteurs d'un projet de fabrication/production de farine BAMiSA décentralisé, non commercial, non entrepreneurial, confié à des structures utilisant des moyens de production locaux, des compétences traditionnelles et des ressources agricoles locales. Ces activités se distinguent des projets de type Social Business. Projet décentralisé La mise en place de plusieurs petites UPA et GFC répartis sur le territoire, plutôt qu'une grosse unité centralisée de nature agro-industrielle, permet une grande souplesse de fonctionnement, la mise en place de circuits courts, et une autonomie de chaque UPA/GFC fonctionnant au sein d'un réseau. La possibilité de fabrication de farine à domicile accentue la nature décentralisée du projet. Projet non commercial, Le but "non lucratif" des UPA et GFC permet à la farine d'être vendue à prix coûtant, sans plus-value, et d'être accessible aux populations économiquement faibles, sans écarter les acheteurs sociaux ou institutionnels ou une clientèle solvable. C'est en fonction du prix de revient de la farine, qu'est fixé le prix de vente. Les prix peuvent varier d'une UPA à l'autre, alors que la farine est identique. Il arrive que plusieurs UPA répondent à une même commande si le volume de celle-ci dépasse les possibilités d'une seule UPA. Le fonctionnement en réseau permet ainsi une grande adaptation aux variations de volume demandées. Malgré un prix généralement très en-dessous de celui du "marché" pour ce type de produit, les UPA ne mettent pas en œuvre de publicité. Non entrepreneurial, Les UPA et les GFC ne fonctionnent pas comme des entreprises. Ils n'ont pas les frais fixes et les charges qui incombent aux entreprises (amortissements, remboursement d'emprunts, trésorerie, salaires, taxes sur les salaires, impôts sur les sociétés, gestion de stocks, publicité, …). Cependant, leur gestion, bien que simplifiée et accessible aux petites structures, doit être stricte, prenant modèle sur celle d'une petite entreprise de façon à assurer la pérennité du fonctionnement. La mise en œuvre des UPA nécessite le plus souvent que des lieux soient mis à disposition par des structures locales ou construits par des "partenariats financiers". La mise en œuvre des GFC peut se limiter aux frais d'achat du matériel de fabrication. La souplesse de fonctionnement permet une grande variabilité du nombre de productrices ou producteurs en fonction de la charge de travail, allant de deux à trois personnes, jusqu'à plusieurs dizaines pour de courtes périodes. Projet confié à des associations Les UPA sont gérées par des structures de type association, centre de santé du secteur public ou privé ayant en commun leur "but non lucratif". Certaines UPA BAMiSA sont constituées en petits GIE ou en coopératives. Les GFC peuvent fonctionner au sein de structures informelles. Toutes les responsabilités d'organisation sont assumées par les personnes bénévoles, membres de l'association ou de la structure. Dans toutes ces structures, les personnes productives, les préparatrices, sont indemnisées en fonction du travail fourni. L'encadrement repose, lui, sur du bénévolat. Ainsi les UPA et les GFC ont une grande souplesse de fonctionnement, les volumes financiers étant modulés en fonction de la charge de travail. Un certain nombre d'associations bénéficient de partenaires qui leur permettent d'assumer financièrement les investissements nécessaires au démarrage et qui peuvent éventuellement les accompagner le temps de leur prise d'autonomie. Projet utilisant des moyens de production artisanaux L'utilisation de modes de production artisanaux et de matériel pouvant être acheté, réparé ou remplacé sur place permet une réelle autonomie. L'absence de matériel motorisé (sauf le moulin) et l'utilisation de procédés de fabrication simples, permet d'éviter les pannes et rend l'activité pérenne et facilement reproductible. La simplicité des outils de production permet une grande fiabilité de production et une économie de moyens. Projet bénéficiant des compétences traditionnelles La compétence des femmes pour la préparation et transformation des grains et une courte formation permettent une production de qualité et la mise en route rapide des UPA/GFC. En effet il s'agit d'encadrer des gestes connus de toutes. Lorsqu'il faut répondre à des commandes dépassant les capacités habituelles de l'UPA, le recours à des productrices temporaires est facile. Projet utilisant des ressources agricoles locales La proximité entre les producteurs de matières premières agricoles et les transformateurs facilite l’approvisionnement. Les UPA et GFC favorisent ainsi l'agriculture locale. Ces circuits courts réduisent les frais de transport. Et les amylases sont fournies par le malt préparé localement. Projet distinct des productions de type Social Business. La finalité économique des UPA/GFC se limite au simple recouvrement des coûts de production, sans prévoir des retours pour financer d'autres activités sociales. Les UPA/GFC ne sont donc ni du "Business", ni du "Social". Ainsi, le mode de fonctionnement économique autonome des UPA/GFC permet :
Et donc d'avoir un impact positif sur l'économie locale. La possibilité de mettre en place un Projet BAMiSA dans des lieux "en crise" (territoires isolés ou non sécurisés, camps de réfugiés, ….), sans lourdes "subventions", doit être soulignée. Le concept est en effet transposable dans tous les contextes (éducation nutritionnelle, utilisation du soja, utilisation des amylases locales pour liquéfier, rappel de l'allaitement maternel prioritaire, ...) De nombreux programmes de lutte contre la malnutrition consistent à distribuer gratuitement des vivres. Certains produits comme les ATPE, médicalement destinés aux enfants victimes de MAS sont malgré tout distribués aussi à des enfants qui ne sont pas en MAS. La prise en charge des enfants victimes de MAM est, elle, considérée comme un vaste marché ouvrant la porte aux ASPE. Leur distribution gratuite, parfois aléatoire ou non justifiée, désorganise les circuits de l'agro-alimentaire local, depuis la production agricole paysanne jusqu'aux transformateurs locaux. Ces distributions détruisent les efforts de développement et dévalorisent les bénéficiaires. B) Aspect légal et administratifLe Projet BAMiSA s'inscrit dans la perspective : Pour répondre aux besoins des programmes de lutte contre la malnutrition, la majorité des Organismes et ONG font le plus souvent appel à des produits importés, issus de l'industrie agro-alimentaire du Nord et du secteur marchand. La facilité de passer des marchés entre financeurs du Nord et industriels du Nord encourage ce commerce. Dans le même temps, ces Organismes et ONG se prévalent de promouvoir le développement local, l'autonomie alimentaire et les bonnes pratiques de nutrition infantile, ensemble de moyens qui sont les seuls capables de prévenir à long terme la malnutrition infantile. En effet, se fournir auprès de l'agro-alimentaire du Nord ne va-t-il pas à l'encontre du développement local ? Et les pratiques usuelles d'approvisionnement au "Nord", encadrées par un droit international fondé sur le commerce, sont-elles respectueuses du droit des peuples ? La farine et la bouillie BAMiSA trouvent difficilement place parmi les aliments utilisés par les structures de soins ou de prévention car elles ne sont pas (encore) inscrites dans les protocoles OMS/UNICEF de prise en charge de la malnutrition, protocoles repris par la plupart des pays. Elles ne sont pas non plus administrativement enregistrées comme produit commercial. C'est pourquoi, l'utilisation de la farine et la bouillie BAMiSA se fait le plus souvent à petite échelle, par des structures qui se libèrent des solutions usuelles par choix ou par nécessité. Cependant, quelques administrations, organismes et ONG s'autorisent aussi à passer des commandes de farine BAMiSA à des UPA. Farine et bouillies BAMiSA ont pourtant de bonnes raisons d'intéresser les structures de soins et de prévention, même si la difficulté à classer administrativement la farine BAMiSA est source de légitimes réserves de la part des Organismes et ONG et constitue, de ce fait, un obstacle à une plus large utilisation. La conception de la farine BAMiSA répond aux lignes directrices du Codex Alimentarius relatives aux ‘’Préparations alimentaires d’appoint destinées aux nourrissons du deuxième âge et aux enfants en bas âge’’ (CAC/GL 08-1991). Les spécifications microbiologiques pour les expertises de qualité tiennent compte des spécifications pour les « Produits déshydratés nécessitant un chauffage avant consommation» (CA/RCP 21 1979). Dans ce cadre normalisé, le Projet BAMiSA crée le concept de "farine composée permettant la préparation de bouillie amylasée de haute densité énergétique", encore appelées Bouillies Amylasées Locales à 120 Kcal/100 ml (BAL-120) ou bouillies concentrées liquéfiées. L'expertise de qualité exercée sur les UPA par des analyses de laboratoire confère au produit "Farine BAMiSA" un statut d'aliment préventif et thérapeutique. Mais elle n'a pas fait l'objet d'études universitaires d'efficacité ce qui lui est souvent reproché. Pour les utilisateurs, le service rendu par la farine et la bouillie Bamisa est équivalent ou supérieur à celui des produits importés, pour ce qui est des MAM ou de la prévention. La mise en œuvre du Projet BAMiSA est libre de droits. Depuis sa mise en œuvre en 1983 sous le nom Misola, puis développé à partir de 2010 sous le nom Bamisa, cette liberté a permis à de nombreuses associations et structures médicales d'adopter le Projet BAMiSA. Ainsi on peut trouver de la farine BAMiSA au Sénégal, Burkina Faso, Niger, Côte d'Ivoire, Cameroun, Tchad, Centrafrique, RDC. Mais ces faits constructifs ne suffisent pas à donner à la farine et à la bouillie BAMiSA un statut formel. Le classement de la farine BAMiSA dans une catégorie administrative de "produit alimentaire" est difficile. En effet :
C) Envisager l'avenirDès qu'il est expliqué, le concept de BAL-120 rencontre un bon accueil de la part des personnes en charge de la lutte contre la malnutrition infantile, à tous les niveaux de responsabilités. La possibilité de disposer de farine et bouillie Bamisa répond à un besoin souvent exprimé. Pourtant, dans les faits, peu de choses changent et c'est l'agro-alimentaire du Nord qui continue à gagner le "marché mondial des enfants affamés" (1). Alors, quelles sont les perspectives qui pourraient permettre un usage plus large des BAL-120 en général et des farines et bouillies BAMiSA en particulier ? Faut-il renouveler les tentatives visant à l'obtention d'un numéro d'enregistrement au Registre du Commerce de chaque pays, pour chaque UPA quel que soit son niveau d'activité ? Les textes réglementaires d'un certain nombre de pays nous y engagent, mais est-ce une réponse adaptée à la majorité des UPA ? Faut-il renouveler les demandes d'AMM en considérant que la farine BAMiSA est un produit de Santé Publique ? (2) Faut-il s'appuyer sur les Programmes Gouvernementaux de Nutrition ? (3) La réalisation d'une étude à caractère universitaire de l'efficacité des bouillies Bamisa serait, pour certains, une condition nécessaire à son utilisation par les programmes de lutte contre la malnutrition, mais, même très positive, serait-elle suffisante pour convaincre ? Et quel organisme ou ONG prendrait la charge financière d'une telle étude ? Faut-il accepter que le développement du Projet ne se fasse qu'à travers des initiatives multiples déclenchées par la découverte de la pertinence du concept BAL-120 ou la réussite en matière de lutte contre la malnutrition d'un Maquis Bébé ou d'un CREN utilisant la bouillie BAMiSA? Ce mode de développement, favorisé par les réseaux nationaux, les associations et par les informations données sur le site www.bamisagora.org, est actuellement le plus actif. Il ne peut y avoir de réponse univoque permettant le développement des BAL-120. De multiples applications du Concept BAMiSA sont possibles en fonction des spécificités de chaque pays, de chaque association ou de chaque centre de soin. C'est à chaque réseau BAMiSA national de trouver la meilleure façon d'insérer le Projet BAMiSA au sein des programmes de lutte contre la malnutrition de son pays. L'APPB appuiera leur démarche en fournissant la documentation, l'expertise des analyses soutiendra le réseau national avec l'aide du réseau international.
(1) "Le marché mondial des enfants affamés" Le Temps, Genève, le 24 septembre 2010, Jean Pierre Papart, Michel Roulet. AMM : Autorisation de Mise sur le Marché du médicament
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Rédaction François LAURENT |
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