Comment s’est construit le Projet BAMiSA 

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12 juillet 2020

Pour apporter une solution durable au problème de la malnutrition infantile qui touche encore beaucoup de jeunes enfants des pays du Sud, le Projet BAMiSA promeut la ‘’liquéfaction des bouillies épaisses par des amylases locales’’. Pour ce faire, l’APPB développe le concept de Bouillies Concentrées Liquéfiées (BCL). Les BCL sont des aliments diététiques capables de répondre aux besoins spécifiques des jeunes enfants et faisant appel, pour leur production, aux seules ressources locales. Le concept de BCL est le fruit d’une histoire commencée en 1982 qui associe l’utilisation de farine composée céréale-légumineuse et de céréales germées comme source d’amylase.

 

Même dans les zones où il n’y a pas de pénurie agricole, la présence d’enfants malnutris pose question. La faible valeur nutritionnelle des bouillies traditionnelles préparées avec des céréales et de l’eau pourrait être une explication : En effet, lors de la cuisson, la bouillie épaissit du fait de l’empesage-gélification des amidons. Même avec peu de farine, ces bouillies sont parfois trop épaisses pour être consommables par les jeunes enfants. Elles seront alors encore diluées avec de l'eau. La valeur nutritionnelle de ces bouillies dites ‘’légères’’ est alors très faible, de l’ordre de 30 à 40 kcal pour 100 ml.
L’utilisation de ces bouillies de faible densité protéino-énergétique et les pratiques catastrophiques de dilution sont probablement à l’origine d’un grand nombre de malnutritions.

Dès 1981, les équipes du service de pédiatrie de l’hôpital de Fada N'Gourma au Burkina Faso1, du centre nutritionnel et de la pharmacie de cet hôpital prennent conscience de cette impasse nutritionnelle : ‘’Les bouillies traditionnelles, à l’eau, ne peuvent répondre aux besoins énergétiques et protéiques très importants indispensables au développement des jeunes enfants, en raison de la difficulté de concilier faible viscosité et haute valeur nutritionnelle’’. Ces équipes ont alors cherché une solution permettant d’obtenir des bouillies de haute valeur protéino-énergétique à partir des ressources locales. En 1982, le centre nutritionnel (CREN) mettait au point une farine composée de petit Mil, de Soja et d'Arachide. Cette farine prend le nom de MISOLA, acronyme de ses composants. Le soja est retenu du fait de sa richesse en protéines, en particulier en lysine, et en lipides. Le Lait en poudre est retiré assez rapidement de la composition.

Si la composition ‘’céréale + légumineuses grasses’’ permettait d’atteindre les objectifs d’équilibre en macronutriments attendus pour une farine composée, il restait à trouver un moyen qui permette de préparer de la bouillie de haute valeur protéino-énergétique. Un défi était à relever : Celui de pouvoir préparer, avec des moyens locaux, une bouillie avec beaucoup de farine et pas beaucoup d’eau, sans que cette bouillie soit si épaisse que l’enfant ne puisse la manger.

Le Projet MISOLA propose alors de mélanger, aux bouillies épaisses encore chaudes, une amylase locale, pour obtenir leur liquéfaction. Cette amylase est fournie par de la farine de céréale germée ‘’le malt’’, mais aussi par le lait maternel ou la salive de la maman. Les bouillies ainsi liquéfiées peuvent être à la fois de haute densité protéino-énergétique et de faible viscosité (liquide ou fluide). Les objectifs recommandés par l’OMS de donner aux jeunes enfants des bouillies fluides à 100 - 120 Kcal pour 100 ml, peuvent ainsi être atteints. La piste du ‘’malt riche en amylase pour liquéfier les bouillies épaisses’’ est proposée. Afin de rendre très accessible et facile cette liquéfaction, un petit sachet de malt est joint aux sachets de farine MISOLA.

Au fil des années, plusieurs acteurs associatifs et centres de santé adoptent le Projet MISOLA au Burkina Faso, au Mali, au Niger, en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Tchad. Des Unités de Production Artisanale (UPA) de farine MISOLA® voient le jour dans ces pays.


Cependant la vulgarisation de l’usage des amylases locales est difficile. Le spectaculaire phénomène de la liquéfaction n’intéresse pas vraiment les Organismes Internationaux ni les grandes ONG. Celles-ci préfèrent utiliser des produits de l’agro-industrie comme les Aliments Thérapeutiques Prêts à l’Emploi (ATPE) qui apparaissent vers 1996 ou les farines type CSB, (mélange de Maïs et de Soja) du PAM. Les protocoles OMS/UNICEF institutionnalisent l’usage des ATPE. Les bouillies liquéfiées de haute densité protéino-énergétique ne sont guère prises en considération. Leur usage est admis pour la prévention de la malnutrition et tolérées pour la prise en charge des malnutritions modérées.

L’utilisation de l’ATPE ‘’Plumpy’Nut’’ ne se limitent pas à la prise en charge de la malnutrition sévère, domaine de leur indication thérapeutique. Son utilisation est de plus en plus banalisée et les distributions gratuites et non ciblées de cet ATPE limitent aussi le développement des initiatives de valorisation des ressources locales.

La ‘’Promotion de la liquéfaction amylasique des bouillies épaisses’’ a vécue quelques péripéties. En 2009, l'association MISOLA abandonne la promotion des amylases locales ajoutées à la bouillie et fait le choix d’incorporer des amylases industrielles importées à la farine MISOLA.

Pour que puisse se poursuivre la promotion des amylases locales, l'Association de Promotion du Projet BAMiSA (APPB) est alors créé. L’APPB considère en effet que la liquéfaction des bouillies épaisses par des amylases locales doit être l’affaire de tous, et que le ‘’secret’’ de la liquéfaction doit continuer à être vulgarisé et confié aux mères. Et, comme c’est la qualité de la ‘’bouillie’’ qui est déterminante dans l’alimentation de l’enfant, et non celle de la ‘’farine’’, le mot bouillie est mis en avant dans le choix du nom du Projet. BAMiSA, acronyme de Bouillie Amylasée Mil, Soja, Arachide.

A la suite de ce changement, la majorité des acteurs africains du projet MISOLA suivent l’association MISOLA. De l’amylase industrielle importée est alors fournie aux UPA par ladite association.

Cependant, certains acteurs décident de continuer à promouvoir l’utilisation des amylases locales dans les bouillies et adoptent le Projet BAMiSA. De nouveaux acteurs s’inscrivent pour développer et diversifier le Projet BAMiSA. Avec eux, le Projet Bamisa peut s’inscrire, encore plus clairement, comme projet de Santé Publique et projet d’Education Nutritionnelle, mais aussi comme projet visant l’autonomie, la durabilité, la reproductibilité, la micro-économie circulaire et les activités génératrices de revenu.

En 2017, l’APPB propose le terme de Bouillie Concentré Liquéfiée (BCL) pour désigner ce type de bouillies et rendre plus manifeste la possibilité de concilier haute densité protéino-énergétique et faible viscosité. Les BCL désignent ainsi des bouillies préparées avec beaucoup de farine composée et pas beaucoup d’eau, puis liquéfiées, de façon à ce qu’elles soient ‘’concentrées en calories et en protéines’’, sous un faible volume. Du fait de leur faible viscosité elles peuvent être bues entièrement et rapidement. Elles sont rapidement digérées du fait de leur faible teneur en amidon. Leur consommation ne freine pas l’allaitement.

L’efficacité des BCL est telle que certains centre de santé réussissent à traiter, avec des BCL, des enfants sévèrement malnutris qui n’ont pas trouvé de place pour être pris en charge selon les ‘’protocoles en vigueur’’.  

L’APPB ne revendique pas l’innovation constituée par la liquéfaction des bouillies épaisses par des amylases, cette solution est en effet connue est documenté (2). L’originalité du Projet BAMiSA est plutôt de proposer des applications de la liquéfaction amylasique qui soient accessibles et sans dépendances extérieures, aux familles, aux communautés locales, aux acteurs de Santé, aux structures de Santé Publique, aux associations mettant en place des Activités Génératrices de Revenu,…

L’APPB espère, qu’un jour, le concept de BCL pourra être intégré aux recommandations concernant les bonnes pratiques de nutrition des jeunes enfants.


(1) Centre Hospitalier Régional soutenu jusqu’en 1984 par l’association ‘’Frères des Hommes’’. Le Projet MISOLA a été initié par le Dr Jean Marie Sawadogo, Pharmacien, les Dr François et Claire LAURENT, responsables de la pédiatrie et Mme Simone SOUBEIGA, qui a géré la première Unité de Production Artisanale de farine MISOLA.

(2) La recherche s’intéresse depuis longtemps à la façon d’obtenir des bouillies liquides malgré l’augmentation de la quantité de farine / quantité d’eau. L’intérêt pour les amylases comme moyen de liquéfaction s’est développé sous trois formes : Les Farines maltées, les ARA et les amylases industrielles.
En 1957, Chandrasekhara, en Inde, publie ses travaux sur ‘‘la valeur nutritive des aliments maltés’’.
En 1986, Gopaldas introduit le concept d'"amylase rich cereal malt", ou ARA (Aliment Riche en Amylase) capable de réduire la viscosité des bouillies avec de petites quantités d'ARA.
A partir les années 1970, l’incorporation d’amylases industrielles aux farines locales se développe. Farine Superamine en Algérie, farine Vitafort au Congo dans les années 1990, farine Misola vers les années 2000.
(Les références bibliographiques de plusieurs travaux sur ce thème sont données dans le Document 10a.)

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